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1 – Historique

 

L’exploitation actuellement gérée par Eric et Caty est l’héritage du père de Caty qui l’a lui-même hérité de son propre père. Ce dernier était un immigré italien qui a fui son pays à l’âge de 18 ans, au moment de la montée du fascisme. Il s’est installé en 1935 comme agriculteur. Le père de Caty a repris l’exploitation dans les années 1950, l’essentiel de la culture réalisée était de la vigne qui est toujours très développée dans la région de Saint Maximin.

C’est à partir de 1970 que tout change avec l’arrivée du Canal de Provence qui a optimisé l’irrigation de la région et permis la culture de fruits et légumes et le développement d’exploitations maraîchères. En 1970, il y avait 1500 exploitations, aujourd’hui, il n’en reste que 250 dont une quinzaine de maraîchers, le reste étant des exploitants vinicoles. C’est à cette époque que l’agriculture intensive a pris son essor grace à l’arrivée des pesticides chimiques qui ont considérablement amélioré les rendements sans considérations pour les conséquences à la fois sur les consommateurs, les exploitants et la terre qui est la source de production. Les parents de Caty ont souffert et ont payé un lourd tribut de ce mode d’exploitation ; son oncle en a été gravement malade et de plus lorsqu’ils ont voulu faire du maraîchage, ils ont attendu 3 ans avant que la terre ne retrouve ses vertus nourricières et leur assure des résultats acceptables. Les pesticides avaient laminé la flore et la faune interne favorisant également l’érosion des terrains.

Dès la fin de la décennie 70, les parents de Caty ont tiré les enseignements de cette époque et se sont engagés avec d’autres exploitants de la région dans « une démarche d’agriculture raisonnée ».

Caty qui est titulaire d’un BTAO (Brevet Technique agricole et horticole) a pu reprendre l’exploitation en 1993.  Elle rencontre et épouse Eric qui a un CAP viticole, ils développent ensemble l’exploitation. A cette époque, 70% des terres étaient réservées à la production de fleurs et 30% aux légumes. Ils ne disposaient que d’un hectare de serre. Après quelques déboires climatiques (neiges catastophiques en 2001, grêle en 2004 et 2007), ils décident de réduire considérablement les fleurs qui sont, d’une part, trop sensibles aux aléas climatiques et d’autre part, parce qu’ils n’arrivaient plus à concurrencer les prix pratiqués par les Pays Bas. Ils consacrent donc la plus grande partie de leur terre à la production de légumes et de fruits, entre temps ils ont pu acquérir de nouveaux terrains.

Avant de faire le choix de l’aamap, ils commercialisaient leurs produits sur les marchés locaux. Cette activité nécessitait du personnel au travail de la terre, à la préparation et la mise en conditionnement des produits et du personnel pour la vente sur les marchés. A partir des années 80, le développement des grandes surfaces sur Saint Maximin, a rompu l’équilibre économique et financier de l’exploitation.

 

2 - Situation économique et financière de l’exploitation.


Jusqu’en 2001 l’exploitation avait une rentabilité convenable, elle assurait un revenu correct aux exploitants et à ses 3 salariés. En février 2001, un enneigement exceptionnel a détruit totalement les récoltes entraînant une perte totale de l’exploitation qui s’est chiffrée à 800 000 Frs (122 000 €) sans compter la perte du chiffre d’affaire. Cela n’a pas été déclaré en catastrophe naturelle et ils n’ont reçu aucune indemnisation, ils ont du se séparer de deux salariés. Pour surmonter cette épreuve, ils ont obtenu l’accord de la MSA (Mutuelle Sociale Agricole) pour faire de la revente. Ils achetaient leurs produits aux Arnavaux et les revendaient sur les marchés en attendant de remettre en service leur exploitation.

A partir de 2002 plusieurs grandes surfaces se sont installées sur Saint Maximin bouleversant l’équilibre économique des exploitants locaux. En effet, les prix cassés pratiqués par ces enseignes commerciales forçaient les exploitants locaux à s’aligner sur des exploitants externes voire étrangers qui pratiquaient la monoculture intensive. Eric et Caty avec d’autres exploitants locaux ont refusé cette aliénation qui les obligeait à un retour en arrière sur des pratiques auxquelles ils ont déjà payé un lourd tribu et qui les auraient économiquement conduit à l’impasse (rappel : 1970 : 1500 exploitations – 2009 : 250 exploitations).

Ils décident donc d’assurer la commercialisation de leurs produits sur les marchés locaux. Jusqu’en 2001, ils écoulaient toute leur production sur les marchés de Saint Maximin (deux points de vente). L’activité de commercialisation représentait une part infime de leur activité. A partir de 2002 (arrivée des grandes surfaces), ils ont du élargir les espaces et les points de ventes. En 2007 ils réalisaient 7 marchés et 9 en 2009, en multipliant les déplacements. Cette augmentation des points de ventes compensait la baisse des ventes qui devenait chronique.

Plus les ventes baissaient, plus ils augmentaient le nombre de points de vente. Cette situation perturbait gravement l’équilibre de l’exploitation au sens où la commercialisation occupait plus de personnel que la production ce qui impactait sur le prix des produits et surtout sur les revenus. Ceci les a conduit à envisager de fermer l’exploitation l’hiver (ce qui, dans le même temps, permettait de limiter les risques climatiques) pour se consacrer uniquement à la revente et la remettre en activité l’été où la demande est plus conséquente. Il est clair que l’arrivée de la grande distribution à partir de 2002, les a fait basculer dans un processus de déclin qui aurait conduit à terme à un arrêt de l’exploitation et la mise en chômage des personnes.

En 2009, ils se renseignent auprès de la chambre agricole qui leur suggère de passer au bio et d’envisager la solution aamap. Passer au bio était trop compliqué dans un premier temps et impliquait des contraintes importantes et coûteuses. Il leur fallait trouver une solution d’urgence, l’exploitation était en péril. C’est à ce moment que nous les avons rencontrés pour leur proposer un partenariat avec notre aamap, ce qu’ils ont accepté avec enthousiasme. Nous avons été très clair avec eux sur les termes de ce partenariat (suite aux expériences malheureuses que nous avons nous-mêmes rencontré avec notre ancien producteur et dont nous avons tiré des enseignements). Ils ont accepté de jouer le jeu de la transparence et nous ont remis leur comptabilité, ce qui nous a permis d’avoir une vision claire de l’état de l’exploitation et des possibilités de lui assurer un nouvel équilibre.

 

Les revenus de l’exploitation de ces dernières années :

Ces chiffres représentent les résultats nets et donc l’état réel de leurs revenus nets annuels pour trois exploitants (Eric, Caty et leur fils) :

2004

19 081 €

 

2006

16 079€

 

2008

18 561€

2005

13 985 €

 

2007

2 666€

(grêle)

2009

 

Ces revenus représentent pour la meilleure année (2004) l’équivalent d’un smic et demi et pour la plus mauvaise année (2005) à peine plus d’un smic, sans parler de 2007 (catastrophe climatique). Au 1er juillet 2009 le smic net est de 1047, 44 €. Avec de tels revenus, cette famille d’agriculteurs est en survie. Il est évident que conformément à la charte de l'aamap et aux valeurs que nous défendons, la situation financière de cette famille d’agriculteurs doit nous interpeller.

Lorsque nous avons fixé le prix du panier en mai 2008, nous n’avions pas les résultats comptables et nous étions nous mêmes dans une situation d’urgence. Le prix a été fixé à moins 20% du prix qu’ils pratiquaient sur leurs points de vente (prix du marché). Il est clair que nous avons la responsabilité d’un ajustement qui assure un meilleur équilibre de l’exploitation. (voir chap 8 sur les préconisations)

 

3 - Du marché à l’aamap perspectives attendues.


Après un tel constat, on peut affirmer que si Eric et Caty avaient continué ainsi, ils allaient droit à de nouvelles difficultés avec à terme un probable arrêt de l’exploitation. De ce point de vue, l’aamap leur offre l’opportunité de s’extraire des lois impitoyables du marché dictées par les gros producteurs qui ont une situation dominante sur les marchés mondiaux et la grande distribution. Eric et Caty sont conscients de cet état de fait et attendent beaucoup de l’aamap. Cette perspective est nouvelle pour eux, ils n’ont pas encore toute l’expérience nécessaire, tant du point de vue du fonctionnement même de l’aamap, que des changements organisationnels que cela pose à l’exploitation. Ceci étant, ils sont ouverts à un changement de pratiques, ils ont vite sentis que l’aamapien n’a rien à voir avec le client traditionnel du marché, même si, de ce point de vue, rien n’est gagné, ce qui rend indispensable son information sur les produits et les conditions d’exploitation. Nous devons plus impliquer les producteurs dans la responsabilisation des adhérents pour créer une véritable relation partenariale. De ce point de vue, Eric et Caty sont encore fébriles et on ne peut que les comprendre. Cette expérience est nouvelle, elle n’est pas sans incertitude et elle tient principalement sur l’engagement des adhérents.

 

4 - Capacité de l’exploitation.

 

Nbr d’hectares  disponibles : 9,5 ha dont 2500 m2 sous serres. 7 ha sont attribués à la culture des légumes et 2,5 ha aux fruits.

Actuellement 5 personnes travaillent sur l’exploitation :

-    Eric, Caty sont déclarés comme exploitants agricoles, leur fils aîné est ouvrier agricole.

-    Mallali, un ouvrier Marocain qui travaille chez eux 7 mois par ans depuis 37 ans et qui a un contrat CDI. Ouvrier qu’ils ont tenu à garder après effondrement des serres en février 2001 parce-qu’il était le plus âgé.

-    Une personne qui a un contrat saisonnier qui aide ponctuellement sur les points de vente.

 

L’exploitation peut fournir jusqu’à 200 paniers de légumes, en prenant pour base un standard qui correspond à 10 variétés de légumes par paniers (été et hiver) pour un poids d’environ 8 kg à 10 kg.

Cf en annexe le planning des produits pour la saison hiver et été

 

5 – Pratiques agricoles.

 

Nous avons visité le lieu de stockage réglementaire des produits utilisés (pesticides, herbicides…), nous avons listé ces produits qui sont pour la plupart des produits issus de l’agriculture biologique, quand aux autres, ils sont utilisés selon Eric, en dessous des doses préconisées.

Depuis la dénonciation de l’usage irraisonné des engrais et pesticides chimiques, une réglementation a été mise en place qui oblige les exploitants à une traçabilité sur l’utilisation de ces produits. Tout exploitant peut à tout moment subir un contrôle qui l’oblige à présenter une facture du produit acheté, le relevé des dosages utilisés, les parcelles concernées et doit présenter le contenant vide avec son numéro de lot (il s’agit des mêmes procédures utilisées dans les démarches qualité). Nous avons indiqué à Eric que nous souhaitons une application de ces procédures et que nous travaillerons ensemble à la recherche de produits de substitution pour ceux non issus de l’agriculture biologique. Nous l’avons également sollicité pour qu’il envisage une formation sur le bio et l’échange de pratiques dans ce domaine avec d’autres agriculteurs, ce sur quoi, il a été d’accord. Nous lui avons signalé que nous les aiderons dans la mesure de nos compétences et de nos disponibilités.

Il est clair que les procédures de contrôle ne suffisent pas en soi et qu’elles peuvent toujours être contournées négligemment ou intentionnellement. Ceci étant Eric et Caty ont bien perçu l’importance que nous donnons à la qualité sanitaire des aliments et ils entendent poursuivre dans cette voie. Dans ce domaine la coopération et la confiance entre les aamapiens et le producteur sont déterminantes.

Lors de la visite de l’exploitation, nous avons pu remarquer que les mauvaises herbes étaient présentes dans les sillons, que les légumes (notamment les tomates) étaient attaqués par des insectes, alors que l’usage préconisé par les fournisseurs des produits aurait permis d’éradiquer ces dégâts qui, de plus, entraînent une perte d’exploitation. Nous avons pu constater qu’ Eric et Caty ont fait le choix d’un équilibre entre santé du consommateur et de l’exploitant, qualité des produits et rendement de l’exploitation. Un des indicateurs est que les légumes ne ressemblent pas esthétiquement aux standards des produits que l’on trouve aussi bien dans la grande distribution que sur les marchés. On peut, tout au moins affirmer que l’exploitation est déjà dans une démarche « d’agriculture raisonnée[1] ».

 

6 - L’aamap et les objectifs qualitatifs d’évolution attendus.


Après cinq mois de partenariat, nous faisons les constats suivants :

-          l’aamap leur garanti un contrat annuel avec paiement bi-mensuel sur actuellement 128 paniers (4 points de distribution). De ce fait, leur trésorerie s’est légèrement assainie ce qui réduit d’autant le paiement d’agios.

-          L’aamap assure la fonction commerciale ce qui leur libère du temps de travail et réduit les coûts commerciaux pour l’exploitant lui permettant ainsi de mieux se consacrer à la production qui est le cœur de son métier (actuellement ils ont supprimé deux points de vente et n'ont plus de production horticole pour mieux se consacrer aux besoins de l’aamap, et des marchés restant)

 

7 -  Les termes du partenariat et les objectifs de développement.


Notre expérience de l’aamap, suite aux difficultés que nous avons rencontré, les enseignements que nous en tirons, nous conduisent à mieux définir les termes du partenariat que nous souhaitons mettre en place avec Eric et Caty. Ce contrat implique des responsabilités communes que l’on peut ainsi définir :

-          Pour agriculteur : l’aamap doit contribuer avec l’exploitant à l’équilibre financier et à la pérennisation de l’exploitation, ceci dans des conditions décentes de travail et de revenus. L’aamap lui garantit un marché (nombre de paniers) plus sécurisé, ce qui réduit d’autant sa fonction commerciale. Il consacre plus de temps à la production qui est son cœur de métier.

-          Pour les aamapiens : en retour, l’agriculteur contribue à l’amélioration quantitative et qualitative du panier (prix, diversité et variétés nouvelles…) en privilégiant notamment la qualité sanitaire et gustative des produits.

 

Avec un partenariat ainsi défini, notre aamap s’inscrit dans une économie solidaire, nous ne sommes pas une simple association, nous sommes une « entreprise solidaire » avec une forte responsabilité économique qui est celle de faire vivre une famille d’agriculteurs et d’assurer avec eux l’équilibre de l’exploitation. Cela implique un certain niveau de responsabilité de tous les adhérents de l’aamap et particulièrement des membres du CA. Eric et Caty sont à la fois enthousiastes et craintifs au sens où leur équilibre financier repose sur la volonté d’engagement des adhérents d’une association.

 

8 - Responsabilité de l’aamap et préconisations.

 

Au regard des éléments comptables que nous avons, si nous prenons pour référence l’année 2008, Eric et Caty ont réalisé un Chiffre d’Affaire (CA) de 163 565 € pour un revenu de 18 561 € (soit 1,5 fois le smic pour la totalité de l’exploitation, soient 3 pers).

Il est évident que nous devons faire un effort pour augmenter à la fois le nombre de paniers, donc d’adhérents mais aussi le prix du panier. Nous allons prendre rendez-vous avec l’expert comptable pour évaluer avec certitude les objectifs d’équilibre à atteindre. Nous fixerons ensuite en Conseil d’Administration, avec l’accord de l’AG, les modalités de réalisation. Mais sans attendre, on peut faire les hypothèses qui suivent.

Le CA 2008 était de 163 565 €. Ce CA couvre la vente de légumes et fruits produits par l’exploitation et la commercialisation de fruits et légumes achetés aux Arnavaux pour répondre à la demande des marchés locaux. Eric et Caty ont, cette année là, acheté pour 59 916 € de légumes et fruits (qu’ils ne cultivent pas). Actuellement plus aucun produit ne vient du marché d’intérêt national (2010)

Avec le développement de l’aamap, qui est exclusivement alimentée par les produits de l’exploitation et l’augmentation du nombre de paniers, et les marchés, ils se passent de la commercialisation de produits non issus de l’exploitation. Ce qui permet d’accroître la valeur ajoutée de l’exploitation.

En effet, si Eric et Caty se passent de la commercialisation de produits externes, ils remplacent ces achats par une plus importante production interne. On peut estimer que le temps et les charges gagnés par la suppression partielle de ces marchés permettront de couvrir assez largement les nouveaux coûts d’exploitation. Donc, à partir du constat que les salaires représentent environ 50% des charges d’exploitation, ils réaliseraient un gain de 59 916 : 2 = 29 958 €. En produisant eux-même, ils gagneront pour un même CA environ 30 000 € de plus. Avec l’essentiel de la production pour aamap et les marchés.

 


[1] Dans l’agriculture productiviste, l’usage des pesticides vise d’abord l’amélioration des rendements et la réduction des coûts de personnels. L’agriculture raisonnée utilise ces produits uniquement en cas de nécessité impérative (attaque d’insecte, aléas divers…).